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Il y a de nombreuses années déjà, le gouvernement a dressé une liste des espèces exotiques envahissantes qui menacent notre écosystème. Une espèce exotique envahissante peut être une plante, un animal ou un microorganisme qui, une fois introduit dans un nouvel environnement, se propage rapidement au point de représenter une menace pour les espèces indigènes.

Originaire d'Asie de l’Est, la renouée du Japon (Reynoutria japonica var. japonica, syn. Fallopi japonica) figure au palmarès des 100 pires espèces envahissantes de la planète selon l’Union mondiale pour la nature. Si au Canada on n’en fait pas encore grand cas, en Angleterre, la présence de cette plante sur un terrain suffit à faire chuter la valeur de la maison qui y a été construite.

La renouée du Japon a été introduite en Amérique du Nord en 1901, à des fins ornementales. Il est vrai que la belle sait séduire les jardiniers et plusieurs se sont laissés berner. Cette vivace coriace peut atteindre 2 à 4 mètres de hauteur en une seule saison pour combler rapidement l’espace au jardin. Ses panicules de fleurs blanc crème en fin d’été peuvent également nous attendrir, du moins jusqu’à ce que l’on sache à quoi s’en tenir avec cette conquérante implacable.

Pourquoi la renouée du Japon est-elle si difficile à éradiquer?

La renouée du Japon peuple densément les espaces, étouffant au passage les espèces indigènes et appauvrissant la diversité biologique des écosystèmes que l’on tente si fort de préserver. Surgissant de terre tôt au printemps, sa croissance est rapide, ce qui lui permet de former des massifs monospécifiques qui font vite ombrage aux espèces indigènes. 

Elle a des répercussions à la fois sur les plantes vivaces, les arbustes et les arbres, puisqu’une population dense empêchera les semis indigènes de pousser. Comme si cela ne suffisait pas, son système racinaire libérerait des toxines susceptibles d’empêcher la croissance des autres espèces.

Elle se propage autant par rhizomes que par semences, c’est pourquoi il est si difficile de l’éradiquer même si on s’acharne à l’empêcher de fleurir. Bien que la plante se reproduise essentiellement de façon végétative, ce mode de reproduction est fort efficace. Un minuscule fragment de tige ou de rhizome suffit pour donner naissance à un tout nouveau plant.

Ses rhizomes peuvent s'enfoncer à plus de 2 mètres de profondeur dans le sol et s'étendre latéralement sur 7 mètres. Les fragments de rhizomes peuvent demeurer en dormance dans le sol de nombreuses années et apparaître du jour au lendemain à une courte distance de vos fondations. Voilà qui est pour le moins préoccupant lorsqu’on sait que les rhizomes peuvent s’infiltrer dans les moindres fissures des infrastructures. On a déjà pu observer les rhizomes de la renouée traverser l’asphalte. En l'absence d'un ennemi naturel, cette véritable peste représente une menace bien réelle.

Où trouver la renouée du Japon?

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La renouée du Japon pousse préférablement dans les milieux humides : bordures des plans d'eau, plages, fossés, canaux d'irrigation, remblais et autres habitats perturbés où l’eau s’accumule au cours de la saison. Toutefois, comme elle tolère des conditions difficiles et ne craint ni les températures élevées ni la sécheresse et les zones inondables, elle n’hésite pas à coloniser de grandes parcelles de terrain même si les conditions lui sont moins favorables.

Sa présence aux abords des lacs et des rivières limite l'accès aux cours d'eau et contribue à l’érosion des berges. Au printemps, ses longues tiges mortes semblables à du bambou flottent à la surface des étendues d’eau, perturbant l’écoulement de l’eau et augmentant les risques d’inondation.

La renouée colonise également en milieu urbain, où elle préfère les endroits ouverts comme le bord des rues, les fossés et les jardins. D’ailleurs, certains la cultiveraient encore comme plante ornementale. Une fois qu’elle est bien établie, même les matériaux inertes ne parviennent pas à freiner ses avancées.

On confond parfois la renouée du Japon avec la renouée de Sakhaline ou la renouée de Bohème. La renouée de Bohème est en fait un hybride issu des deux autres plantes. Toutes sont envahissantes – y compris les spécimens présentant un beau feuillage panaché. Plus compétitive que la renouée du Japon, l’hybride se propage encore plus rapidement. On peut la reconnaître à ses feuilles beaucoup plus grandes pouvant atteindre une longueur de 15 à 25 cm, ainsi qu’à la présence de petits poils sur les nervures sous la feuille, visibles à la loupe.

Si la renouée de Sakhaline se fait plus rare, les deux autres espèces abondent dans les régions bordant le Saint-Laurent ainsi que dans le sud du Québec. Plus récemment introduites en Abitibi et dans la région du Nord-du-Québec, elles sont désormais présentes dans toutes les zones hydrographiques du Québec méridional, à l’exception de l’île d’Anticosti. Elles sont également présentes du sud de l’Ontario à Terre-Neuve, au Manitoba et dans le sud de la Colombie-Britannique.

Comment identifier la renouée du Japon?

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La renouée du Japon se développe en formant des massifs appelés colonies ou clones. Les tiges arrivent à maturité vers la fin du mois de juillet, atteignant une hauteur impressionnante si l’on tient compte du fait qu’elles ont émergé du sol à peine 3 mois plus tôt.

Son système racinaire se compose d’un puissant réseau de rhizomes charnus et ligneux, brun foncé à l’extérieur et orange à l’intérieur, où la plante emmagasine ses réserves nutritives. Chaque masse compacte de rhizomes produit une ou plusieurs tiges creuses vertes ou rougeâtres, présentant parfois des taches pourpres, qui ressemblent à celles du bambou.

Les feuilles de la renouée du Japon sont ovales avec une extrémité pointue. Placées en alternance sur les tiges, elles ont une longueur de 7 à 15 cm et une largeur de 5 à 12 cm. D’août à septembre, des panicules de fleurs blanc crème ornent la plante. Chaque petite fleur en forme de goutte d’eau produira des fruits blancs qui, dans plusieurs régions, n’auront pas le temps de parvenir à maturité avant l’arrivée des grands froids.

Comment éviter de propager la renouée du Japon?

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Plusieurs vecteurs participent à la dispersion des fragments. Si l’eau et la glace en font partie, ce sont les activités humaines qui contribuent le plus à la propagation de la plante. Les travaux d’excavation avec exportation de sols, la machinerie souillée de terre, l’aménagement paysager et même la division des vivaces sont susceptibles de la propager. On se rappellera que d’un minuscule fragment de rhizome peut émerger une plante, et éventuellement toute une colonie.

La plante étant extrêmement difficile à éradiquer, il faut tout mettre en œuvre pour éviter de la semer, de la planter et de la multiplier, volontairement ou involontairement. Vous pouvez jouer un rôle actif afin de protéger les écosystèmes. Ces recommandations sont valables pour les trois renouées dont il est question dans cet article.

Apprenez à la reconnaître et signalez sa présence (au Québec, faites-le à l’aide de l’outil Sentinelle). Une fois la plante enlevée, plantez des espèces végétales compétitives et à croissance rapide aux endroits où le sol a été mis à nu.

Voici comment disposer des renouées afin de ne pas les propager.

  • Mettez tous les résidus de la plante (tiges, racines, terre, etc.) dans des sacs noirs robustes, étanches et scellés, que vous placerez au soleil durant quelques semaines avant de les mettre aux ordures.
  • Ne laissez pas de résidus sur votre terrain ou ailleurs dans la nature.
  • Ne les jetez JAMAIS au compost.
  • Le matériel excavé contenant des résidus de renouée doit être géré de façon responsable. Il peut être enfoui sur place ou acheminé vers un lieu autorisé à le recevoir (ex. : lieu d’enfouissement technique). Une profondeur d’enfouissement d’au moins 2 mètres est requise pour tous déblais contenant des résidus de renouée.
  • La machinerie ou l’équipement qui a été en contact avec la plante doit être soigneusement nettoyé(e) afin d’éviter de transporter des fragments de la plante ou des graines.
  • Évitez d’utiliser la terre extraite d’un emplacement où vivent des colonies.
  • Lorsque vous divisez des vivaces plantées à moins de 7 ou 8 mètres de la renouée, évitez de les replanter dans un autre endroit du terrain et surtout, renoncez à offrir vos plants à vos amis. Un fragment de renouée dissimulé dans les racines d’une jolie plante est bel et bien un cadeau empoisonné.
     

Comment se débarrasser définitivement de la renouée du Japon?

Particulièrement ardue, la lutte contre la renouée du Japon est un combat de plusieurs années. Voilà pourquoi il faut s’y mettre dès l’émergence d’une nouvelle colonie. Les meilleures chances de victoire reposent sur la prévention, la détection hâtive et une surveillance rigoureuse des endroits traités.

L’arrachage

On peut tenter d’éliminer les jeunes plants ou une petite colonie en retirant complètement le système racinaire du sol. Cependant, comme les rhizomes sont très profonds, il est très difficile de retirer tous les fragments dans le sol.

L’arrachage des tiges et des rhizomes situés en surface, effectué de façon répétée pendant plusieurs années, peut parvenir à réduire la taille d’une colonie. Le simple fait de couper la plante sans atteindre les rhizomes ne permet pas de l’éradiquer.

Toutefois, rabattre la colonie au niveau du sol toutes les deux semaines permet d’épuiser les réserves de la plante et de l’affaiblir.

ATTENTION! Le faire une seule fois risque au contraire de stimuler sa croissance!

Lorsque la colonie est de dimension importante ou bien établie, il vaut mieux opter pour une autre méthode. Il est également possible de combiner cette méthode avec celle du bâchage.

L’excavation

L’excavation à l’aide d’une pelle mécanique peut sembler radicale, mais cette technique, lorsqu’elle est bien exécutée, peut permettre d’éradiquer la colonie. Le matériel excavé doit être disposé de façon responsable, tel que mentionné plus tôt.

La méthode du bâchage

La méthode du bâchage est une autre solution susceptible de fonctionner. Bien qu’elle exige de la patience, cela évite de s’éreinter. Cela consiste à étendre une toile opaque à la surface du sol pour empêcher la croissance de la plante. Avec le temps, cela peut généralement réduire l’envergure de la colonie, mais l’éradication n’est pas garantie.

Si la colonie se trouve dans une partie du terrain que vous n’utilisez pas, vous ne perdez pas grand-chose à essayer.

Voici comment procéder :

  1. Procurez-vous une toile de qualité (géomembrane ou géotextile).
  2. Coupez et retirez les tiges des renouées.
  3. Déposez la toile de manière à couvrir l’ensemble de la colonie, en plus d’une zone tampon d’au moins 2 mètres en périphérie. (Si vous devez utiliser plus d’une toile, prévoyez un chevauchement de 50 centimètres à 1 mètre.)
  4. Déposez des poids sur la toile (pierres ou sacs de terre) afin de la maintenir en place.
  5. N’utilisez pas de toiles percées, car la renouée se faufilera dans la moindre ouverture.
  6. Inspectez régulièrement les toiles; au besoin, replacez-les, réparez-les et retirez toutes les tiges qui en surgissent. 
  7. Conservez les toiles sur place quelques années; cela peut prendre plus de cinq ans pour parvenir à des résultats.
  8. Restaurez le site en plantant des arbustes compétitifs et à croissance rapide après le retrait des toiles (cornouillers, saules).

L’utilisation d’herbicides

Des herbicides homologués peuvent aussi être utilisés. Assurez-vous que ces derniers respectent les réglementations provinciale et fédérale en vigueur, et procédez selon le mode d’emploi recommandé par le fabricant.

Voici comment procéder :

  1. Coupez les tiges.
  2. Une fois coupées, les tiges vont repousser en force. Appliquez l’herbicide sur les repousses afin d’assurer une absorption optimale.
  3. Réappliquez sur chaque rejet dès leur apparition.
  4. Ne pas appliquer d’herbicide à une distance de moins de 3 mètres d’un cours d’eau ou d’un milieu humide. Cette distance doit être respectée lors de l’application d’herbicides.
  5. Les interventions en milieux humides ainsi que près des lacs et des cours d’eau peuvent être assujetties à des autorisations. Informez-vous auprès de votre municipalité et de votre gouvernement.